mercredi 15 avril 2015

Challenges du 14 avril 2015 : Ce qu'il faut savoir sur la loi Florange...


La "saison" des assemblées générales est ouverte. Avec un enjeu qui devrait faire l'objet d'âpres discussions au sein de plusieurs groupes du CAC 40: la mise en oeuvre pour la première fois du droit de vote double, créé par la loi Florange. Rappel des principaux points de cette loi.
  • Ce que prévoit la loi Florange pour l'actionnariat 
Deux volets principaux sont inscrits au cœur de la loi Florange, promulguée le 29 mars 2014. Le premier contraint toute entreprise qui envisage de fermer un établissement de plus 1.000 salariés et de procéder à un licenciement collectif de passer d'abord par une première étape: la recherche d'un repreneur.
Le second, celui qui fait débat, a quant à lui pour objectif de soutenir l'actionnariat de long-terme via une mesure phare: la généralisation du droit de vote double pour les actionnaires inscrits au nominatif détenant leur titre depuis plus de deux ans. La loi confère donc à ces acteurs, présents depuis un certain temps au capital d'une entreprise, un pouvoir économique plus important non directement corrélé à une augmentation de leur participation.
  • Quelles sont les motivations à l'origine de la loi ?
La loi Florange a été votée avec l'objectif de "redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel", dans un contexte marqué par l'arrêt des hauts fourneaux du site de Florange, en Moselle.
Dans son esprit, la loi prévoit le vote double afin de favoriser l'actionnariat à long-terme, en renforçant sa marge de manœuvre au détriment des pratiques opportunistes voir hostiles d'un actionnariat spéculateur.
  • Où en est le vote double ?
Cette mesure prend effet immédiatement, sauf en cas d'opposition des deux-tiers des votants lors de l'assemblée générale des actionnaires. Vinci était la première à essuyer les plâtres lors de son AG ce mardi 14 avril. Mais le dispositif s'est déjà répandu en France, puisque 22 entreprises du CAC 40 avaient préalablement institué ce système. A l'inverse, 11 autres ont déjà déposé une résolution visant à défendre le principe de la voix unique.
  • Pourquoi l'Etat-actionnaire remercie l'Etat-régulateur
L'Etat-actionnaire est finalement le grand gagnant de cette mesure instaurée par l'Etat-régulateur. En revendant une partie savamment étudiée de ses actions, le gouvernement peut espérer, sans renoncer à son influence économique, amasser une considérable plus-value.
Une étude Exane BNP Paribas dévoilée par les Echos évalue la part du capital que l'Etat pourrait revendre sans perdre son pouvoir de décision. A titre d'exemple, 10% du capital d'EDF pourraient être revendus, ainsi que 11,7% du capital de GDF Suez et 10,7% d'Orange. Au total, le bénéfice accumulé de l'ensemble des cessions envisageables se chiffrerait à 16,45 milliards d'euros.
La généralisation du dispositif du vote double ne va ainsi pas sans contrarier les investisseurs institutionnels, en particulier anglo-saxons, qui voient rouge à l'idée de la généralisation d'une mesure menaçant l'équilibre actuel entre l'influence des actionnaires et leur engagement économique.
  • Quels sont ses effets pervers ?
"Vous créez deux catégories d'actionnaires", déclare Denis Branche, directeur général délégué de la société Phitrust Active Investors et actionnaire du groupe Vivendi, à Bloomberg Business. "Il faut que la répartition entre le nombre d'actions et les droits de vote soit proportionnelle"."L'histoire récente de plusieurs grandes sociétés cotées en France oblige à reconnaître que le droit de vote double n'intéresse de fait que les investisseurs cherchant à exercer un contrôle de la société", déclare par ailleurs Phitrust Active Investors dans un communiqué.
Vincent Bolloré, premier actionnaire de Vivendi, vogue en effet aux côtés de l'Etat dans la croisade pour la défense du vote double. L'industriel breton a porté en moins de trois semaines sa participation dans le groupe de médias de 8 à 14,5%. Le conseil n'a en effet pour l'instant pas statué à l'encontre des mesures actionnariales de la loi Florange et l'adoption du vote double lors de sa prochaine AG le 17 avril permettrait à l'homme d'affaires de flirter avec la minorité de blocage.
"L'Etat français croit à l'actionnariat de long-terme," a déclaré le 9 avril le ministre de l'Economie Emmanuel Macron sur RTL. "Bolloré, dans sa bataille pour Vivendi, va dans la même direction et a tout mon soutient". Même combat donc, pour l'industriel et le gouvernement.