lundi 21 juillet 2014

Le centre de recherche promis à Florange sort des limbes...

FRANCE-SIDERURGIE-FLORANGE-RECHERCHE (FEATURE)
20/07/14 09:53:07

* "Metafensch" opérationnel fin 2015
* Pas de concurrence avec ArcelorMittal
* Les syndicats circonspects
par Gilbert Reilhac

STRASBOURG, 20 juillet (Reuters) - La "plate-forme de recherche et de développement industriel en métallurgie", annoncée en septembre dernier par François Hollande comme une compensation à la fermeture des hauts-fourneaux de Lorraine, devrait être opérationnelle fin 2015 à Uckange (Moselle), dans la vallée de la Fensch.

Baptisé "Metafensch", cet établissement public orienté vers le recyclage des métaux doit permettre aux industriels de tester de nouveaux procédés et de se développer - si possible en Lorraine - aux côtés d'ArcelorMittal.

"Les choix qu'on va faire seront cohérents avec ce qui existe déjà", souligne François Mudry, ancien directeur scientifique du groupe sidérurgique et président du comité de préfiguration de la plate-forme.
Entendre par là que Métafensch et sa douzaine de collaborateurs ne concurrencera pas le centre de recherche tout proche d'ArcelorMittal, à Maizières-lès-Metz, premier du groupe à l'échelle mondiale, où 530 chercheurs et techniciens développent les aciers et procédés de demain.
C'était la crainte du leader mondial de l'acier, dont la présence n'était pas d'emblée prévue au sein du comité de préfiguration. Il a pu y siéger aux côtés d'industriels comme Saint-Gobain-Pont-à-Mousson ou Ascometal et d'acteurs publics tels le CNRS et l'université de Lorraine.
"On veut qu'il n'y ait pas concurrence, ce qui serait stupide, et que tous les partenaires y trouvent leur compte", a dit à Reuters Sylvie Gindre, responsable de la communication de la division Recherche & Développement d'ArcelorMittal.
La lettre de mission adressée au comité de préfiguration en novembre 2013 par le Premier ministre de l'époque, Jean-Marc Ayrault, parlait de "lever les verrous technologiques préalables à des projets industriels en France et prioritairement en Lorraine".

20 MILLIONS D'EUROS SUR QUATRE ANS

"Cette plate-forme est publique parce qu'elle vise à garantir l'indépendance de la sidérurgie française", avait dit François Hollande en annonçant ce projet au siège de l'usine lorraine d'ArcelorMitttal, à Florange, le 26 septembre.
Le président de la République marquait ainsi le soutien de l'Etat aux salariés du groupe sidérurgique, qui venait d'éteindre les deux hauts-fourneaux d'Hayange, les derniers de Lorraine, au terme d'un long bras de fer avec les syndicats et les pouvoirs publics.
Metafensch s'est fixé cinq pistes de travail.
L'optimisation du tri et de la valorisation des métaux par des procédés d'analyse chimique rapide, les nouveaux procédés de séparation des métaux tels que l'hydrométallurgie, l'utilisation de carbone renouvelable dans les outils métallurgiques, l'élaboration d'outils pilotes pour la réalisation d'alliages haut de gamme et le développement de poudres pour l'impression 3D.
La plate-forme disposera d'outils intermédiaires entre l'équipement de laboratoire et l'échelle industrielle. Elle sera liée à l'Institut de recherche technologique de Metz, déjà présidé par François Mudry, qui en assurera la gestion.
Constituée en GIP (Groupement d'intérêt public) réunissant l'Etat et des organismes de recherche ou de formation, elle disposera d'un budget de 20 millions d'euros, financé par les Investissements d'avenir, pour les quatre premières années.
Metafensch, qui travaillera sous contrat avec des entreprises, devra ensuite s'autofinancer. Une quinzaine de sociétés ont déjà manifesté leur intérêt.
Rien n'obligera les entreprises à exploiter en Lorraine, ni même en France, les brevets ainsi développés, mais elles devront, dans ce cas, rembourser la part de l'Etat.

"UN LOT DE CONSOLATION"

Les syndicats d'ArcelorMittal restent sceptiques.

"Ce n'est pas nul, mais c'est surtout un coup de 'com', un lot de consolation", estime Frédéric Weber, secrétaire adjoint de la section FO.
"Les aciers de demain, c'est dans vingt ans. Nous, on travaille sur l'emploi au quotidien", commente pour sa part Jacques Minet, secrétaire de la CFDT.
Pour Ascometal, producteur d'aciers longs spéciaux qui vient d'être repris par des capitaux français après une période de redressement judiciaire, Metafensch constitue en revanche une opportunité de développement.
"C'est un moyen complémentaire qui permettra de tester des procédés et des produits, des besoins que nous ne pouvons pas satisfaire aujourd'hui parce que les investissements seraient trop importants", explique Gilles Auclaire, directeur du centre R&D du groupe qui emploie 40 personnes à Hagondange.
Alors que l'Elysée voyait Metafensch à Florange, la taille des équipements et la volonté d'aller vite ont pesé en faveur d'une implantation dans la commune voisine d'Uckange.
La plate-forme s'installera dans les "grands magasins", un bâtiment de douze mètres de haut offrant 2.800 m2 sur plusieurs niveaux. Il jouxte l'ancien haut-fourneau U4, fermé en 1991 et transformé en espace muséographique.
"On peut rester une région sidérurgique, même si c'est avec 10.000 personnes et non plus 100.000 comme à une certaine époque", veut croire Michel Liebgott, député maire socialiste de Fameck et président de la communauté d'agglomération.

Deux millions d'euros seront nécessaires aux travaux d'aménagement qui seront lancés à l'automne. (édité par Sophie Louet)